Une loi « fourre-tout »
Ni vraiment un droit dérogatoire, ni un retour au droit commun, cette loi qualifiée de « fourre-tout » se situe dans un entre-deux. Elle contient des mesures ayant partie liée avec des sujets aussi variés que la reprise du sport, le Brexit, le lobbying, et bien entendu, le droit du travail : certaines ne sont que des mises à jour rendues nécessaires par la situation, sanitaire et juridique (prorogation de certains mandats due au report d’élections, prolongation d’allocations chômage), d’autres sont clairement des dérogations passées opportunément en force grâce à la crise et fragilisant encore plus les travailleurs (flexibilisation des contrats précaires, absence de transfert des contrats de travail en cas de vente du fonds de commerce).
Comme à son habitude, le gouvernement compte faire peser les coûts et les conséquences de la crise sur les travailleurs – et non sur le patronat. Ce projet de loi en est une nouvelle preuve, tant elle apparaît à bien des endroits comme un véritable chantage à l'emploi.
De fait, le projet de loi assouplit le recours aux contrats précaires (CDD, contrat d'intérim), qui pourront faire l'objet d'un accord d'entreprise concernant le nombre de renouvellement et le délai de carence entre deux contrats. « Au détour d’une petite phrase perdue dans le texte, le projet de loi prévoit que l’accord collectif d’entreprise peut “autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus” par le Code du travail. Cela revient tout simplement à étendre considérablement les cas de recours l’intérim », analyse ainsi notre organisation.
Par ailleurs, la loi prévoit qu'à partir du 12 mars (soit rétroactivement) et jusqu'à six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, certains CDD (d'insertion, contrats uniques d'insertion, CDD « tremplins ») pourront être renouvelés jusqu'à une durée trente-six mois, contre dix-huit normalement.
Incitation à l'allongement du temps de travail
D'autres mesures incitent les travailleurs à allonger leur temps de travail. Par un accord collectif d'entreprise ou de branche, l'employeur peut imposer aux salariés en activité partielle bénéficiant du maintien de leur rémunération d’affecter des jours de repos conventionnels (JRTT ou jours de repos pour les conventions de forfaits) ou une partie de leur 5e semaine de congés payés à « un fonds de solidarité ».
Il revient donc aux salariés, ayant eu la « chance » de bénéficier d’un maintien total de leur rémunération, de financer la perte de salaires des autres ! Le gouvernement a une bien étrange notion de la solidarité. Une autre disposition prévue par la loi autorise la monétisation des jours de repos, sur demande du salarié, pour compenser la diminution de revenu. Ce qui revient à ce que le salarié se rémunère lui-même...
La CGT propose, à l'encontre des solutions de relance de l'économie promues par le gouvernement, de baisser la durée du temps de travail.
Enfin, le projet de loi prévoit, avec un flou caractéristique, le fameux régime censé suppléer l’activité partielle dans un certain nombre de cas : l’activité réduite pour le maintien dans l’emploi (Arme).
Depuis quelques jours, une question obsède les éditorialistes : « Faut-il baisser son salaire pour préserver son emploi ?» Si le chantage à l'emploi a ses clercs, il a aussi ses outils : les accords de performance collective, présentés par la ministre du Travail comme une alternative aux licenciements et envisagé par plusieurs entreprises, n'est pas un dispositif nouveau.
C'est la dernière version des accords dits « de compétitivité », qui existent depuis 2013, et qui ont été vidés par les ordonnances Macron des faibles garanties qui existaient à leurs débuts.
Le dispositif Arme, prévu par le projet de loi relatif à la crise sanitaire, fait une encore fois supporter aux salariés et à l'État la baisse d'activités des entreprises, qui pourront amputer les salaires et bénéficier d'une allocation.
L'État lui devrait compenser en partie la baisse du salaire. À la différence des APC, l’État finance en partie cette baisse d’activité. Ces deux accords sont donc une instrumentalisation du « dialogue social » pour faire du chantage à l’emploi.
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