Dans ce
rapport basé sur l’étude de la gestion des entreprises du CAC 40 depuis
la crise de 2008, le constat fait il y a deux ans est, sans surprise,
conforté, si ce n’est amplifié.
La crise du coronavirus a montré la faible résilience de certaines
entreprises, alors même que les bénéfices et les dividendes tutoient des
records. Cette fragilité est le fruit d’une gestion actionnariale
court-termiste.
Alors que les actionnaires tentent de faire passer l’idée que leur
rémunération indécente se justifie par les risques qu’ils prennent, le
rapport démontre notamment en quoi cette idée est un mythe. «
Socialisation des pertes et privatisation des profits », voici qui
résume bien les ambitions patronales durant cette crise sanitaire et
économique.
Les actionnaires ont pris le pouvoir des grandes entreprises et toute la
gestion de ces dernières est tournée à leur profit, alors même que
leurs intérêts divergent de la pérennité des entreprises. Les
versements aux actionnaires ont augmenté de pas moins de 70%, entre 2009
et 2018 ; par comparaison, le Smic a augmenté de 12%.
Pour garantir cette gestion actionnariale, les grandes fortunes et fonds
de placements ont fait en sorte que les dirigeants soient eux-mêmes
actionnaires. Mieux, ils ont indexé leur rémunération sur la rentabilité
actionnariale. Ainsi, en 2018, la part variable représentait 42% de la
rémunération totale, contre 24% en 2009.
C’est toute la société qui pâtit de cette primauté des intérêts des actionnaires. Salariés,
sous-traitants, finances publiques et environnement, voilà les
variables d’ajustement du capital, chaque jour pressurés davantage pour
satisfaire les actionnaires.
Quelques chiffres suffisent à saisir l’ampleur des dégâts :
- entre 2009 et 2018, l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises du CAC 40 a baissé de 26%, soit près de 9 milliards d’euros, malgré des bénéfices en hausse de 15%. Voilà où se trouve une partie de l’argent qui manque pour le financement de nos services publics ;
- les inégalités salariales se sont encore accrues ; en 2018, les PDG du CAC 40 gagnaient en moyenne 107 fois plus que leurs salariés, contre 86 fois en 2009, niveau déjà inacceptable. Chez Carrefour, le PDG gagne même 413 fois plus que ses salariés ;
- les investissements ont baissé de 5%, entre 2009 et 2018 ; pourtant, un plafonnement des dividendes à 30% des bénéfices aurait permis de financer 98% des investissements jugés nécessaires à la transition écologique. Même avec ce plafonnement, les actionnaires auraient perçu près de 200 milliards d’euros de dividendes entre 2009 et 2018 : un montant bien plus que suffisant ;
- le capital a, semble-t-il, un genre. En effet, en 2018, seules 2 entreprises du CAC 40 étaient dirigées par des femmes. Cela va même plus loin puisque les femmes ne comptaient en moyenne que pour 20% dans les équipes dirigeantes de ces entreprises.
Pourtant, ces mêmes
actionnaires ne cessent de répéter que leurs entreprises n’ont pas les
moyens d’augmenter les salaires, à commencer par le Smic. C’est, en
réalité, l’inverse : la société dans son ensemble n’a plus les moyens de
gaver ces ultra-riches insatiables.
En plus des questions de partage de la valeur ajoutée, le rapport
s’intéresse également aux inégalités femmes/hommes, à la gouvernance des
entreprises, aux inégalités salariales entre les dirigeants et les
salariés, au dumping fiscal ou, encore, au manque d’investissement
écologique. Autant de problématiques cruciales qui découlent d’une même
logique, celle du coût du capital.
Pour autant, comme le suggère le rapport d’Oxfam et du Basic, ces
constats ne sont pas une fatalité. Une multitude de mesures peuvent et
doivent être mises en place pour en finir avec cet état de fait.
La CGT salue la qualité du travail contenu dans ce rapport qui vient
documenter et objectiver le ressenti des salariés de ces entreprises. À
l’heure du « Jour d’après », cette fuite en avant doit cesser
immédiatement sous peine de dommages collatéraux, notamment climatiques
et sociaux, irréparables.
Montreuil, le 24 juin 2020
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