Ce 10
mars, était présenté à la Commission des lois un rapport d’information
parlementaire sur les « problématiques de sécurité associées à la
présence sur le territoire de mineurs non accompagnés ».
Rappelons pourtant, que la grande majorité des mineur.e.s et jeunes
majeur.e.s isolé.e.s étrangers dont il est question ne posent aucun
problème de sécurité, bien au contraire comme le constatent et en
témoignent toutes et tous les professionnels et adultes qui les côtoient
au quotidien, des mouvements tels les « patrons solidaires » allant
jusqu’à être créés pour les jeunes apprentis.
Visant exclusivement la situation des mineurs non accompagnés en conflit
avec la loi, qui ne représentent qu’une infime partie des mineur.e.s et
jeunes majeur.e.s isolé.e.s et étrangers, et entretenant au passage la
confusion entre ceux en conflit avec la loi et ceux victimes de traite,
le rapport parlementaire, présente 18 recommandations particulièrement
inquiétantes en ce qu’elles sont de nature à stigmatiser encore plus ces
mineur.e.s, parfois très jeunes, toujours très fragiles,
polytraumatisé.e.s par leurs parcours de vie.
Ce rapport
oublie, dans sa problématique générale, ce qui est le plus important :
ces jeunes sont en danger et ont d’abord besoin de protection. De
manière encore plus inquiétante, il entend institutionnaliser un
traitement différencié les concernant, fondé davantage sur leur
extranéité que leur minorité.
A l’âge où la plupart de leurs pairs vont au collège, eux n’ont connu
que rejets, abandons, agressions répétées, violence, et sont souvent les
victimes de réseaux de traite.
Vivant pour la plupart dans des conditions d’une extrême précarité,
souvent à la rue, sans accompagnement éducatif, sous dépendance
médicamenteuse des adultes qui les exploitent, elles et ils ont perdu
l’estime d’eux-mêmes, et leurs passages à l’acte s’inscrivent dans un
mécanisme de survie, souvent pour des délits de subsistance.
Est-ce cela la vie d’un enfant ?
Il ne sert à rien de préconiser, à peu de frais, leur fichage
obligatoire via le fichier AEM si décrié, la consultation obligatoire de
fichiers tels VISABIO dont l’inefficacité a été démontrée,
l’accroissement des sanctions, des jugements plus rapides et
discriminatoires, le retour dans le pays d’origine et toujours plus de
coercition.
Ceci n’aura que pour conséquence de stigmatiser ces jeunes, les
rapprocher toujours plus de situations de danger, les éloigner encore
plus de leur situation de mineur et des dispositifs qui n’auront plus de
« protection » que le nom.
Et si le rapport parlementaire préconise une prise en charge
systématique en assistance éducative ainsi que quelques mesures
d’accompagnement social, rien n’est dit du budget affecté à celles-ci,
des moyens dédiés aux départements, qui risquent, sous des effets
d’annonce, de se réduire à peau de chagrin….
Et rien ne changera.
Plus encore, ce rapport réalise la prouesse de suggérer qu’inverser la
présomption de minorité, imposer à un ou une mineur.e de présenter des
documents d’identité pour être protégé.e, serait dans l’intérêt
supérieur de l’enfant !
Où est l’intérêt supérieur de
l’enfant, « considération primordiale », rappelée par la Convention
internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire ?
Ces jeunes doivent être protégés, accompagnés, bénéficier d’une prise en
charge éducative effective qui fait actuellement cruellement défaut,
pluridisciplinaire (en matière civile tant par les départements que par
la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui connaît leurs problématiques
particulières), basée sur la confiance en l’adulte, qu’elles et ils
doivent réapprendre, ayant souvent été trompés dans leurs vies par ceux
qui les ont entourés auparavant.
Ce n'est que par les mesures de protection que ces jeunes pourront se
réinsérer, ce qui est de leur intérêt et de celui la société.
Alors que le débat médiatique glisse, sans surprise, vers la question
plus large de l’évaluation de minorité des mineur.e.s isolé.e.s, qui
n’était pas l’objet de ce rapport, nos organisations et
associations signataires demandent que soit mise en place, sans
stigmatisation, sans discrimination, sans fichage, une vraie politique
éducative faite d’accompagnement, de protection, d’éducation, de soins
et d’insertion pour ces jeunes, qui sont avant tout des enfants en
souffrance !
Le 17 mars 2021
* Liste des signataires :
La Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature, InfoMIE,
le GISTI, l’Ordre des avocats du barreau de Paris, Le Syndicat des
avocats de France, le SNPES PJJ / FSU, l’ADDE, la FSU, la CGT, la
CIMADE, le SNEPAP-FSU, le Secours Catholique Caritas France, AADJAM,
Solidaires Justice, Fédération sud Collectivités Territoriales, SNUASFP
FSU, Solidaires, Fédération Sud Santé Sociaux, SNUTER-FSU, Soutien à 59
SAINT JUST
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