Prolongement des mesures dérogatoires relatives à la prise des congés payés et « aide exceptionnelle » aux entreprises
Plusieurs mesures relatives aux congés payés ont été concoctées
récemment par le Gouvernement, prolongeant des mesures qui devaient
prendre fin et en ajoutant des nouvelles :
- la première consiste à prolonger les mesures fortement
dérogatoires sur les congés payés et autres repos, qui permettaient à
l’employeur depuis mars dernier d’imposer la prise des jours de congés
ou de modifier les dates des congés déjà posés ;
- la seconde consiste pour l’État à prendre en charge, dans le cadre
et à la place de l’activité partielle, jusqu’à 10 jours de congés payés
pris entre le 1er et le 20 janvier 2021, mesure récemment prolongée jusqu’au 31 janvier 2021 et reconduite du 1er février au 7 mars.
Présentées comme indépendantes l’une de l’autre, il y a pourtant
de grandes risques que leurs mises en œuvre s’articulent
« fortuitement » entre elles, incitant l’employeur à imposer la prise de
congés payés à des dates qui lui permettent de bénéficier d’une telle
prise en charge financière – au détriment total des salariés.
Prolongement des mesures dérogatoires permettant à l’employeur d’imposer/modifier la prise des congés
Dans une récente ordonnance du 16 décembre dernier, le gouvernement a
choisi de prolonger dans le temps les dispositions qui autorisent
l’employeur, sous certaines conditions, à imposer ou modifier les dates
de congés payés ou autres jours de repos.
Ces dispositions dérogatoires ont été prises dès le 25 mars dernier,
parmi les premières « ordonnances Covid ». Déjà à l’époque, elles
représentaient une atteinte au droit à congés payés.
En effet, les congés payés ne sauraient se limiter à du temps de
non-travail mais doivent permettre l’exercice effectif du droit au repos
et aux loisirs, remis pourtant en cause par l’environnement actuel et
par des dates ainsi imposées.
Ces mesures devaient prendre fin le 31 décembre de cette année, elles sont finalement prolongées jusqu’au 30 juin 2021.
Pour rappel, elles permettent :
- d'autoriser l'employeur, par accord collectif, à imposer la
prise de congés payés ou de modifier ceux déjà posés, dans la limite de
6 jours ouvrables (c'est-à-dire une semaine) ;
- l'autoriser, par simple décision unilatérale, d'imposer la prise
des jours de repos liés aux RTT, à un dispositif d'aménagement du temps
de travail, au forfait jours et au compte épargne temps, dans la limite
de 10 jours.
Ces mesures sont conditionnées – du moins formellement – par les
textes. Pour la prise des congés payés, la mesure doit être mise en
œuvre « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du Covid-19 », et pour la prise des autres jours de repos « lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie en égard aux difficultés économiques liées à la propagation du virus ».
L’« aide exceptionnelle » : prise en charge par l’État de 10 jours
de congés payés en janvier, pour les entreprises en activité partielle
Par ailleurs, un décret du 30 décembre 2020 prévoit une « aide
exceptionnelle », dans le cadre de l’activité partielle. Il s’agit pour
l’État de prendre en charge une partie des congés payés (dans les mêmes
proportions que l’activité partielle), pris entre le 1er et le 20 janvier, dans une limite de 10 jours de congés.
Un projet de décret prévoit de prolonger la mesure au 31 janvier et de la reconduire du 1er février
au 7 mars, ce qui signifie concrètement la prise en charge dans la
limite de 10 jours d’ici le 31 janvier et dans la limite du 10 jours à
nouveau du 1er février au 7 mars.
Pour bénéficier de cette aide, l’entreprise doit avoir comme activité
principale d'accueillir du public, et être en activité partielle au
moment de la prise de congés. Elle doit en plus avoir être fermée sur
décision administrative pour lutter contre le virus au moins 140 jours
en 2020 ou avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 90 %
par rapport à 2019.
Ainsi, « l’aide exceptionnelle » relative à ces 10 jours maximum de congés qui seraient pris entre le 1er et
le 20 janvier 2021 ne concerne pas toutes les entreprises, et il faudra
bien vérifier qu’un employeur qui souhaite en bénéficier entre dans ces
cases.
La CGT se bat évidemment contre toutes ces mesures attentatoires au droit au repos
La confédération et les différentes fédérations concernées ont fait
un recours devant le Conseil d’État sur les congés payés imposés de
manière rétroactive aux agents de la Fonction publique pendant le
premier confinement, puisque nous avions sur ce point à la fois des
arguments de fond mais aussi de très sérieux arguments de forme.
Malheureusement nous n’avons gagné ni sur le fond (droit au repos,
discrimination, etc.), ni sur la forme (absence de consultation des
organisations syndicales, dispositions des ordonnances non prévues par
la loi d’habilitation).
Il faudra donc être vigilant dans les entreprises à ce qu'a minima les conditions d'application de ces différentes mesures soient remplies.
Prolongation de mesures sur l’activité partielle et modulation des taux d’indemnisation et d’allocation
Une ordonnance du 21 décembre 2020 prolonge des dispositions sur
l'activité partielle et prévoit la modulation des taux d’indemnisation
et d’allocation de l'activité partielle. Un décret 2020-1628 du
21 décembre 2020 en détaille l’application, notamment sur la modulation
du taux d’allocation en fonction des secteurs. Un décret 2020-1681 du
24 décembre 2020 précise quant à lui le taux d’indemnisation en fonction
des mêmes secteurs.
Pour rappel, on parle de taux d’allocation versée par l’État à
l'employeur et de taux d'indemnisation versée par l'employeur au
salarié.
On constate dans certains secteurs que l’indemnité versée aux
salariées baisse plus rapidement que l’allocation versée aux employeurs,
ce qui est la énième démonstration de la protection des intérêts du
patronat au détriment de celui des salariés.
À noter que les montants minimum relatifs aux différents taux sont un tout petit peu rehaussés :
- le minimum associé au taux de 70 % passe de 8,03 € passe à 8,11 € ;
- celui associé au taux de 36 % passe de 7,23 € à 7,30 €.
Mais cela est simplement dû à la revalorisation annuelle du Smic.
Toutes les mesures relatives aux taux de l’activité partielle prennent effet à partir de 1er février 2020
Dans les secteurs dits « non-protégés » (en principe, à partir du 1er février, au lieu du 1er janvier initialement prévu) :
- le taux d’indemnisation baissera de 70 à 60 % de la rémunération brute ;
- le taux d’allocation baissera lui de 60 à 36 %.
Dans les secteurs dits « protégés » (dans certains
« secteurs protégés », les entreprises continueront à percevoir un taux
majoré, défini par les décrets), parmi lesquels, les secteurs protégés
existants :
- secteurs qui en dépendent et qui subissent une « très forte baisse de chiffre d'affaires » ;
- entreprises qui accueillent du public et qui doivent s'interrompre (partiellement ou totalement).
L'ordonnance ajoute deux nouveaux secteurs :
- entreprises qui remplissent la double condition d'être dans des
circonscriptions territoriales où des mesures sanitaires sont mises en
œuvre (circulation interdite, confinement, fermeture provisoire des
magasins) et de subir une baisse d'au moins 60 % de chiffre d'affaires ;
- dans zone de chalandise (affluence de clients) de stations de ski avec une baisse d'au moins 50 % de chiffre d'affaires.
À partir du 1er février, dans les entreprises
des secteurs du tourisme/ hôtellerie/culture etc. et celles des
secteurs qui en dépendent et subissent une « très forte baisse de
chiffre d’affaire » :
- le taux d’indemnisation demeurera à 70 %, jusqu’au 28 février (il baissera donc à 60 % à partir du 1er mars) ;
- le taux de l’allocation baissera de 70 à 60 %, jusqu’au 31 mars (il baissera donc à 36 % à partir du 1er avril).
À partir du 1er février et jusqu'au 30 juin
2021, dans les entreprises qui accueillent du public et qui ferment
temporairement, celles dans des circonscriptions territoriales où des
mesures sanitaires ont été prisées et qui accusent une baisse d'au moins
60 % de chiffre d'affaires et celles des stations de ski :
- le taux d’indemnisation demeurera à 70 %, seulement dans les
entreprises qui accueillent du public et qui ferment temporairement (il
baissera donc à 60 % à partir du 1er juillet);
- le taux d’allocation demeurera à 70 % pour les entreprises des autres secteurs protégés (il baissera donc à 36 % à partir du 1er juillet).
Par ailleurs, toujours à partir du 1er février,
concernant les salariés vulnérables et ceux en garde d'enfants, le taux
de l'indemnité sera à 70 % et celui de l'allocation à 60 %.