Si nous
avons appelé de nos vœux et de longue date la mise en place d’une
planification, la version « Macron » du plan ne peut que laisser
sceptique…
Pas de chiffres… donc pas de plan !
La lettre d’Emmanuel Macron commence fort mal. Il explique, par exemple,
que « la planification au sens chiffré, impératif, fixant des
objectifs, domaine par domaine, de la production nationale […] n’est
plus adaptée à notre temps. » La belle affaire ! Quelle est la
justification de ce point de vue ? La complexité du monde ? Certes. Cela
n’empêche pas le secteur privé, lui, de produire des stratégies
chiffrées et de se donner des objectifs.
En réalité, toutes les grandes entreprises planifient. Le « plan »
existe déjà, à deux nuances près ; il est sous-traité aux grandes
entreprises et bénéficie d’abord non pas à l’intérêt général mais aux
intérêts privés et à ceux qui détiennent le capital.
Le Président oublie, aussi, une différence de taille ; le développement
des technologies de l’information (algorithmes, données en masse) qui
permettent justement de pallier les déficiences de « l’ancien » plan. En
définitive, Emmanuel Macron cherche à masquer son manque de volonté
politique derrière une supposée « inadaptation du plan ».
Autre problème, le président veut clairement faire du Commissariat un
lieu de « réflexion ». Mais quel est l’intérêt de discuter « dans
l’abstrait » des grandes orientations du pays, si elles ne se traduisent
par rien de concret ? Il manque à ce plan substance, ambition et projet
clair. On a du mal à voir, pour l’instant, la différence entre France
Stratégie et ce nouveau Commissariat.
C’est qu’en réalité tout l’intérêt du plan est justement de donner un
chiffrage et de le rendre impératif. Déterminer les besoins, discuter
des moyens, appliquer la décision ; voilà à quoi devrait servir un plan.
Devant l’urgence environnementale, on aurait un espace qui permettrait
de flécher l’investissement et l’emploi vers les projets d’avenir
soutenables, à l’opposé du chaos qui caractérise le capitalisme
contemporain dont les effets destructeurs sont, chaque jour, plus
visibles. Ce n’est pas l’option retenue.
Prendre en compte le long-terme ? Chiche !
« Je considère que la prise en compte du long terme est pour notre temps
une impérieuse obligation », écrit le Président. Cela tombe bien, c’est
mot pour mot ce que nous portons à la CGT. Cela étant dit, c’est
exactement l’inverse qui a cours dans les entreprises, particulièrement
les grands groupes : l’intérêt de court-terme (celui des actionnaires)
prime sur le long-terme, à savoir le développement soutenable de
l’entreprise et de l’emploi pour répondre aux besoins.
Quel est l’intérêt de parler du long-terme au sein du Commissariat si
rien de précis ne s’impose là où, précisément, on a besoin de
réintroduire du long-terme, c’est-à-dire l’entreprise ? Sans être ennemi
du colloque, discuter comme le veut le Président Macron de
souveraineté, de transition écologique, de numérique ou d’inégalités,
sans appliquer les fruits de la discussion sur le terrain, aura un
intérêt sinon nul, du moins très limité.
Vrai plan… ou outil de communication?
Le Président Macron reprend à son compte ce qui faisait auparavant
l’intérêt du plan : mettre autour de la table divers interlocuteurs ;
organisations syndicales, monde académique et associations notamment.
Mais, il manque un élément clé par rapport à « l’ancien » plan :
l’aboutissement d’une discussion s’imposait auparavant à propos de
l’organisation de la production. Il s’agissait, alors, de déterminer des
objectifs, des moyens pour y arriver et de vérifier ensuite de
l’efficacité ou non de ce qui a été mis en œuvre. Il va falloir que
gouvernement et patronat acceptent que la décision de produire, combien
et comment, passe des mains de quelques dirigeants aux mains de la
collectivité, dans son ensemble. On ne peut plus tolérer que l’argent
public soit versé sans conditions ni contreparties. Le plan est
justement l’alternative à ce gaspillage budgétaire.
Au total, le risque est fort que ce Commissariat ne soit en définitive
qu’un énième outil de communication creuse servant à satisfaire
l’ambition de François Bayrou, ami fidèle du Président.
Le plan que nous appelons de nos vœux vise tout autre chose : permettre
de donner une direction nette à la transition écologique, prendre en
compte dans un même mouvement urgence sociale et environnementale et
rendre opérationnel ce besoin. À la lecture de la lettre de mission de
la présidence, il est clair que nous sommes loin du compte.
Montreuil, le 30 septembre 2020
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