Gagner un code du travail digne du 21ième siècle
protecteur pour les salariés et sécurisant pour les entreprises
nécessite de porter à la discussion les articles du projet de loi qui
structurent à eux seuls l’intégralité du texte à savoir ceux concernant
la primauté de l’accord d’entreprise, les référendums d’entreprises, les
accords dits de préservation et de développement de l’emploi, les
licenciements économiques, la médecine du travail, le remboursement des
indus par les privés d’emplois.
La CGT avance des propositions concrètes :
Favoriser la négociation collective, instaurer l’accord
majoritaire à tous les niveaux de la négociation, revoir les règles et
conditions de la négociation collective (article 2)
La loi
En préambule, le socle
légal doit être élargi car il s’agit de remettre au centre la protection
de l’intégrité physique du travailleur.
Il nous faut donc revisiter les définitions d’heures d’équivalence,
de temps de pause, d’amplitudes horaires, de forfait jours, de temps de
trajets, de travail de nuit, de travail dominical, d’astreintes et le
droit aux congés payés.
Pour chacune de ces définitions, la loi fixera un plancher et/ou
plafond en termes de rémunération et de modalités d’organisation du
temps de travail.
L’accord de branche
Le rôle de régulation sociale de la branche doit être réaffirmé tout en acquérant une fonction « normative ».
Les branches définiront, dans le respect des planchers et des
plafonds légaux, les marges de négociation possible dans les
entreprises.
Les
accords de branche seront validés majoritairement. La majorité se
calculera en fonction de la représentativité patronale et salariale.
Toutefois si un accord nécessite un réaménagement du cadre légal il sera alors soumis au parlement.
De fait, les branches distingueront ce qui relève de l’ordre des
clauses impératives et ce qui relève de la négociation d’entreprises.
Les accords d’entreprises
Les
accords d’entreprise devraient avoir pour but de limiter la
subordination en traçant une frontière claire entre temps de travail et
temps de vie personnel.
Les
accords d’entreprise seront négociés dans les limites fixées par la
branche et devront alors être validés par les OS majoritaires.
Soit
les entreprises souhaitent obtenir des dérogations au cadre fixé par la
branche, dans le respect des limites légales. Auquel cas, la demande
sera adressée à la Commission de Branche, celle-ci devra effectuer un
contrôle en légalité mais aussi en opportunité c’est-à-dire vérifier que
les concessions réciproques sont équilibrées, que le contexte
économique et social justifie une telle dérogation, qu’il n’y a pas
d’atteinte à la santé des salariés. Pour cela, les membres de la
commission de branche doivent avoir accès aux données économiques,
pouvoir se faire assister d’experts (création d’un droit d’expertise au
niveau de la branche) et disposer d’une assistance juridique en plus de
leurs moyens habituels de fonctionnement.
La commission de branche doit donc fonctionner sur le modèle du
Comité d’Entreprise, seuls les membres des organisations syndicales ont
droit de vote.
Si les entreprises ne soumettent pas la demande dérogatoire à la
commission de branche, les IRP des entreprises du secteur d’activité ou
de la branche pourront saisir la commission de branche sur tout ou
partie d’accord d’entreprise jugé dérogatoire, ce qui n’exclue pas pour
autant un recours en justice.
Cela nécessite de fixer au préalable clairement le périmètre de la branche.
L’efficience du rôle des commissions de branche ne pourra être
assurée que si le travail de regroupement des branches est conduit selon
la logique du mieux disant.
Afin de renforcer la négociation d’entreprise et d’en garantir sa
loyauté, un certain nombre de droits nouveaux doivent être créés :
Heures d’information syndicale sur le temps de travail, accès intranet,
droit à l’expertise, processus de consultation uniquement à l’initiative
et sur proposition des syndicats.
S’agissant des négociations dans les TPE, l’idéal serait le renforcement des CPRI dans leurs rôles et moyens.
A défaut, et même si le mandatement ne semble pas pertinent, au
minimum le salarié mandaté par une organisation représentative dans la
branche, pourra se faire accompagner par un membre de cette organisation
syndicale lors des négociations. Les accords d’entreprises négociés par
les salariés mandatés, ne seront validés que lorsqu’ils seront signés
par des mandatés dont les organisations sont majoritaires dans la
branche.
La refonte totale du code du travail, prévue par le projet de loi, doit procéder de la même articulation.
Le référendum d’entreprise (article 10)
Cette question étant traitée dans la discussion autour de l’article 2, l’article 10 n’a plus de fondement.
Les accords de préservations et de développement de l’emploi (article 11)
L’évaluation
des accords de maintien de l’emploi issus de de l’Ani de 2013 et de la
loi ont montré l’échec de ces accords tant du point de vue du nombre
d’accords signés que d’emplois sauvegardés. Les raisons en tiennent
notamment aux dispositions introduites par la loi de sécurisation de
l’emploi de 2013 qui ont accru la flexibilité.
La logique d’accord offensif demandant de fortes concessions aux
salariés, alors même que l’entreprise se porte économiquement bien
s’oppose frontalement à la notion de responsabilité sociale de
l’entreprise.
Les licenciements économiques (article 30)
A la place de qualifier précisément ce qu’est une difficulté
économique réelle, nous proposons que la question de la réalité du motif
puisse être examinée par le juge judiciaire en amont et avec une
procédure accélérée. Le rôle des IRP doit également être renforcé. Le
comité d’entreprise doit être doté d’un droit de véto sur la question
des suppressions d’emploi (droit suspensif sur les licenciements
économiques). Le fait de discuter des modalités d’un licenciement
économique sachant que toutes les parties sont convaincues de la réalité
des difficultés économiques rencontrées, facilitera le processus pour
tous.
Conforter la médecine du travail (article 44)
La loi de 1946 sur la médecine du travail institue un contrôle étroit
de la puissance publique qui repose sur trois grands principes : son
action se déploie dans l’intérêt exclusif du travailleur ; le travail
étant facteur de santé, la possibilité de maintien au travail est
l’objectif prioritaire de la médecine du travail ; toute décision qui a
une incidence sur la santé du salarié est arbitrée par la puissance
publique.
La visite médicale d’embauche doit être rétablie pour l’ensemble des
salariés ainsi que la périodicité. La réserver aux seuls salariés sur un
poste à risque particulier revient à instaurer un permis d’embaucher
dédouanant la responsabilité de l’employeur et dévoie les grands
principes régissant l’instauration de la médecine professionnelle.
Renforcement de la médecine préventive, indépendante et
multidimensionnelle : La médecine professionnelle doit être rattachée à
la sécurité sociale assurée par les cotisations employeurs. La
possibilité de recours contre une décision de la médecine
professionnelle devant l’inspecteur du travail doit être également
rétabli.
Le remboursement des indus par les privés d’emploi
Le
projet de loi prévoit également que Pôle emploi n’aura plus besoin de
saisir le juge et pourra prélever directement sur les allocations
chômage des mois suivants le trop-perçu. En conséquence, si pôle emploi a
fait une erreur, c’est au demandeur d’emploi d’engager une procédure
judiciaire pour obtenir à nouveau le versement. Dans tous les cas, le
demandeur d’emploi peut se retrouver d’un mois sur l’autre avec une
baisse très importante de ses ressources. Pour ces raisons nous
demandons la suppression de l’article.
D’autres points du projet de loi demeurent à discuter. Ils feront l’objet de propositions complémentaires de la CGT.
Montreuil le 17 juin 2016